[7e continent] Premier jour - Seconde partie

3. Une seconde chance

Qu’est-ce que c’est ? Quel est ce rire que j’entends ? J’ouvre les yeux et j’aperçois la statuette qui était au fond de ma besace flotter devant moi tandis que tout est noir autour de nous. Ses orbites se mettent à scintiller d’un rouge écarlate, elle commence à vibrer puis disparait instantanément. Au même moment, un flash de lumière se produit et je me retrouve allongé dans le sable, au bord de l’eau, complètement étourdi tandis que les cris des goélands et le bruit des vagues se font de plus en plus présents. Je suis de nouveau là, en vie, sur cette ile maudite. Je fouille dans mes affaires à la recherche de la statuette, mais je suis incapable de mettre la main dessus, elle a tout simplement disparu ! C’est à croire que cette ile de malheur n’en a pas fini avec moi !

4. Changement de cap

Je me relève et souffle un coup. Après tout, je suis encore en vie ce n’est pas si mal ! Je ressens malgré tout un mal en moi que je n’arrive pas à définir. Je continue ma route vers le sud et arrive près d’une tombe devant laquelle se trouve une croix constituée de deux planches attachées par un peu de ficelle. Je décide de m’arrêter un instant au niveau de la sépulture afin de me recueillir pour cette âme en peine. Je m’agenouille au pied de la croix et commence à prier quand tout à coup, une masse noire se forme devant moi, sortant tout juste de terre ! Mais quelle est cette chose ?! Un esprit frappeur ?! Je perds l’équilibre et me retrouve à terre, tandis que l’apparition se dresse devant moi. Je me recule tant bien que mal, trainant des pieds au sol afin de m’éloigner de la tombe. Je vois l’ombre se résorber dans le sol à mesure que je m’écarte d’elle puis elle finit par disparaitre complètement. Je vais finir par devenir fou si cela continue ainsi ! Je me relève et reviens sur mes pas, laissant cette sépulture hantée derrière moi. J’ai toujours faim et c’est de pire en pire, chacune de mes foulées est accompagnée de borborygmes, il faut vraiment que je trouve de quoi manger !

Tout en explorant les alentours, je ramasse quelques branchages ainsi que des lianes et je m’arrête près d’un rocher de taille moyenne. Je commence à confectionner un piège tout en réfléchissant à un moyen de partir d’ici. Je dois retourner sur le 7e continent, je sais que quelque chose m’y attend et je dois le découvrir. Peut-être que je pourrais confectionner un radeau ? Durant mon exploration, j’ai vu de gros troncs qui pourraient très bien faire l’affaire une fois attachés ensemble par des lianes solides. Je finis de préparer mon piège, une pierre posée en équilibre contre une branche qui est elle-même attachée à une liane sur laquelle il me suffit de tirer pour que la pierre tombe. Je me cache dans des fourrés et attends patiemment qu’un animal vienne par là. Quelques minutes passent sans que rien se produise puis, enfin, un lapin arrive ! Je suis désolé pour toi mon petit, mais j’ai bien trop faim… Une fois l’animal sous le rocher, je tire un coup sec sur la liane, la branche se dégage et la roche tombe. La patte du lapin est prise en dessous, j’ai réussi ! Je suis à la fois fasciné d’avoir réussi à attraper quelque chose, mais également attristé par le sort que je réserve à cette pauvre bête. Je m’approche d’elle puis mets fin à son calvaire en l’achevant avec une autre pierre que j’abats sur sa tête.

À présent, il me faut faire un feu afin de faire cuire ma viande. Je ramasse quelques brindilles et forme un tas que j’entoure de quelques pierres afin que le foyer ne s’éparpille pas. Je récupère également un bâton que je commence à frictionner sur de l’écorce afin de démarrer le feu. Après quelques essais infructueux, je finis par y arriver et les brindilles s’enflamment. J’attise les braises en soufflant doucement dessus et prépare ma viande comme je peux. Après une bonne heure, j’ai terminé mon repas. Ce que ça fait du bien ! Je me sens revigoré et prêt à en découdre avec ce qui m’attend ! Je me dis que si j’arrivais à pêcher quelques poissons, je pourrais les conserver dans ma besace afin de ne pas manquer de nourriture trop rapidement.

Je retourne à l’endroit où j’ai découvert le corps au bord de l’eau. Je m’approche de l’extrémité nord de la plage, à bonne distance du cadavre, puis regarde devant moi. Un ensemble de rochers plus ou moins écartés me font face et je remarque des clapotis plus loin, certainement des poissons qui barbotent là ! Je commence à m’avancer prudemment sur le premier rocher puis passe de l’un à l’autre en prenant soin de ne pas glisser. Je progresse assez rapidement quand je vois du coin de l’œil une ombre passer à toute vitesse à côté de moi. J’ai tout juste le temps de me retourner et de faire un petit saut en arrière pour éviter le requin qui vient de m’attaquer ! Il ne m’en faut pas plus pour prendre mes jambes à mon cou et faire demi-tour à toute vitesse ! L’animal ne me suit pas et préfère retourner chasser au milieu des rochers. Une chose est sure, ce n’est pas ici que je vais pêcher, à moins d’être muni d’un harpon !

Je pense avoir fait le tour de cette ile, il est temps que je prenne une décision et que je m’en aille afin de rejoindre le 7e continent ! L’idée du radeau me revient en tête, je pense que c’est une bonne idée et qu’il faut que j’essaye. Je pars donc en quête des rondins de bois que j’ai vu auparavant et je les rassemble tous au même endroit. Je n’ai pas pour idée de faire un radeau immense, tant que je tiens dessus et qu’il ne coule pas, cela m’ira parfaitement. En plus du bois, je récupère un ensemble de lianes assez longues qui serviront d’attaches. Après une bonne heure, j’ai récupéré tout le matériel nécessaire et après deux de plus environ ce qui ressemble à un radeau se trouve devant moi accompagné d’une rame. Je suis plutôt satisfait du résultat, ce n’était pas gagné d’avance ! Reste maintenant à savoir par où aller… Je repense une nouvelle fois à ce malheureux échoué sur la plage. Peut-être a-t-il voulu faire comme moi, mais n’a pas eu de chance ? Je devrais tenter ma chance à mon tour. Après tout, si je suis revenu d’entre les morts c’est bien parce que je suis spécial, non ?

Je traine ma construction à travers l’ile et finis par arriver de nouveau sur cette plage. Je glisse l’embarcation jusqu’à l’eau, je m’y installe, et je commence à m’éloigner doucement de la côte. La mer est calme, j’arrive sans peine à progresser et je vois de moins en moins la terre ferme. Je me concentre sur ma tâche en essayant de me convaincre que c’était la meilleure idée à faire. Je ne sais pas combien de temps je vogue ainsi, mais après un certain temps je crois apercevoir quelque chose au loin… Serait-ce ? Mais oui, le 7e continent ! Il est en vue ! Un élan de joie m’envahit et je rame aussi vite que possible. Je ne perds pas de vue mon cap et je continue d’avancer au gré des vagues. Ma joie est de courte durée quand je ressens à nouveau ce mal en moi qui semble s’immiscer petit à petit. Je porte ma main sur ma poitrine et calme ma respiration, je dois tenir le coup je suis presque arrivé. Après plusieurs minutes, les côtes sont à mes pieds, j’y suis enfin ! Je descends de mon radeau et le traine sur la plage puis je m’écroule au sol, heureux d’être à nouveau sur la terre ferme.

5. La jungle

Après quelques instants, je me relève et regarde tout autour de moi. Je remarque rapidement que la végétation est bien plus dense ici. Une jungle se dresse devant moi et semble être la seule voie possible pour continuer mon périple. Je m’avance donc en direction des hautes plantes et m’enfonce petit à petit dans ce dédale de verdures.

Le calme qui régnait jusqu’à maintenant est remplacé par des cris d’animaux qui semblent provenir de partout à la fois. J’espère simplement qu’aucun d’entre eux n’aura pour envie de venir me gouter ! Bien que les lianes et autres bambous soient nombreux, des chemins se dessinent sans trop de mal, comme si la voie avait déjà été tracée, ce qui me permet d’avancer à bonne allure. Au bout de plusieurs minutes, je finis par déboucher sur un espace plus spacieux. Je remarque que les restes de ce qui devait être un campement sont éparpillés ici et là. Les propriétaires ont dû partir depuis un moment déjà et la nature a commencé à reprendre ses droits. Je vais examiner plus en détail les décombres et vérifie l’état de la toile de tente ainsi que de l’armature de bois. Dans l’ensemble, ce n’est pas si mal, je pourrais peut-être arriver à en faire quelque chose !

Je décide de rester là et de remettre en état ce campement perdu. Je tri les différents piquets de bois afin de mettre de côté ceux qui sont trop abimés et cherche des tiges de bambou pour les remplacer. Ce travail n’est pas difficile, mais il est extrêmement long et fastidieux, surtout seul. Après bien des efforts, le campement commence à ressembler à quelque chose de convenable, je suis plutôt fier de moi ! Je profite de l’endroit pour me reposer un instant et réfléchir à la suite des évènements. La jungle est pleine de ressources et j’ai des idées d’objets que je pourrais fabriquer afin de mieux m’en sortir pour la suite ! Je m’attèle donc à la tâche et commence à chercher de quoi m’aider : du bambou, du silex, des lianes. Au bout de plusieurs essais, j’arrive à me fabriquer ce qui ressemble à une pelle et un arc, puis avec le morceau de bambou qu’il me reste je me dis que je pourrais l’utiliser comme sarbacane. Mon moral est au plus haut, cette pause dans ce campement m’a vraiment fait du bien !

Il est temps pour moi de repartir en exploration. Je me dirige à l’ouest de ma position et avance, plus serein que jamais et sûr de moi. La végétation devient de moins en moins dense à chaque pas que j’effectue, je suis certainement en train de quitter cette jungle. En effet, après quelques virages de plus je vois la sortie devant moi. Me voilà de nouveau sous le soleil, prêt à affronter mes prochains défis ! Une seule direction est possible pour continuer ma route et elle requiert de traverser un pont de pierres suspendu au-dessus de l’océan. Je m’approche du bord avec précaution et regarde en bas. Il y a quelques rochers assez espacés, mais la mer est calme. On est loin des visions catastrophiques d’une mer déchainée dont les vagues se fracassent contre des rochers aiguisés qui ne laisseraient aucune chance à quiconque tomberait que l’on peut lire dans certains romans ! Je m’approche donc du pont et évalue la distance, quelques mètres à parcourir, soit une dizaine de pas tout au plus. Je pose un premier pied sur la construction et quelques cailloux tombent à l’eau. Je me mets entièrement dessus et attends quelques instants pour constater qu’il n’y a aucun problème et que cela semble tenir le choc. Je me mets donc en marche et parcours une bonne moitié quand, sans prévenir, le sol se dérobe sous mes pieds ! Je n’ai pas le temps de réagir que je tombe dans le vide, incapable de me rattraper à quoi que ce soit ! Ma chute ne dure que quelques secondes et j’atterris lourdement dans l’eau. Le choc me secoue violemment, mais je parviens à rester à la surface de l’eau. Par chance, aucun morceau du pont n’a terminé sa chute sur moi et je n’ai pas non plus fini écrasé sur un des rochers déjà présents !

Je reprends peu à peu mes esprits, encore étonné de ne pas être mort après une telle chute puis je commence à nager en direction de la côte que j’aperçois un peu plus loin sur ma droite. J’arrive rapidement au bout de mes peines et me retrouve sur la terre ferme, je suis frigorifié, endolori et surtout affamé ! La faim me reprend, tous ces efforts passés dans la jungle m’ont fatigué et j’ai besoin de récupérer de l’énergie. Je me mets donc en quête de nourriture et pars en chasse, armé de mon arc afin de ne pas avoir à remettre à mort un animal comme je l’ai fait plus tôt dans la journée… Je trouve assez vite un poste de guet et m’installe en silence, guettant le moindre mouvement. Alors que le temps passe et qu’aucun gibier ne se présente, je ressens une dernière fois cette chose en moi qui, depuis tout ce temps, se faufilait dans les moindres recoins de mon corps. Je sens mes membres se bloquer les uns après les autres, ma respiration devient haletante et ma vue se trouble de plus en plus. Je sombre bientôt dans le néant, avec pour seul accompagnement le rire des goélands qui volent au-dessus de moi.

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